Quelle est la différence entre, disons, un verre d’eau et un verre de Saint-Emilion ? En plein désert, et proche de mourir de soif, il n’y en a pas. Les deux vont étancher la soif et c’est tout ce qu’on demande à ce moment-là. Dans des conditions moins extrêmes, on sait bien que l’un et l’autre ne réponde pas du tout à la même demande. L’un sert juste à maintenir le bon niveau d’hydratation, un besoin vital auquel on pourvoit habituellement sans même y penser, quand l’autre est bu pour le plaisir. Le pouvoir hydratant du vin est réel, mais il est très accessoire. Voilà à quoi me fait penser cette vidéo : « Communication gap between IT and the business ».
Et quelques extraits du dialogue entre Janet la CEO et Ryan le CIO
Janet : How the IT organization is helping the business ?
Ryan : Just last month we had 99,9999% uptime on Email Service
Janet : That sounds like great work from you and your team
Janet : Is IT focusing on driving our strategic initiatives ?
Janet : Tell me how IT is aligning to the business and adding value to this company
Janet : Maybe we need to do some cloud…Plus I just got an Ipad and I need your help configuring Icloud
Le dialogue se clôture sur le cloud. Une affaire de mode et de buzz peut-être, mais également révélatrice sur ce qui sous-tend cette conversation pas si imaginaire que ça.
Ryan, le CIO vit dans une économie de pénurie, et d’ailleurs comme ses budgets sont constamment révisés à la baisse, il baigne dans cet état d’esprit. Il estime qu’il remplit sa mission puisque ses clients n’ont jamais soif. Les applications sont toujours disponibles et il a mis en place tout le nécessaire pour assurer le niveau de services qu’on exige de lui. Il répond au besoin vital de l’entreprise.
Janet vit dans un monde d’offre surabondante où la difficulté n’est pas de produire mais d’arriver à vendre son produit par le surplus qu’il offre, au-delà de ses fonctions basiques. Et pourquoi a-t-elle un Ipad si ce n’est parce que Apple a réussi à créer une différence qui dépasse l’usage purement utilitaire de son produit. C’est le paradoxe de l’eau et du diamant. L’eau est vitale, et pourtant elle ne vaut rien ou très peu (pour l’instant !). Le diamant ne sert à rien et pourtant il vaut très cher. Ou encore, toujours en plein désert et assoiffé, le premier litre d’eau vaut très cher, le deuxième un peu moins et les suivants ne valent plus rien quand la soif est satisfaite.
De la même manière, la disponibilité ne vaut chère que si elle n’est plus là. Elle ne vaut rien quand elle est assurée 24/24 7/7. Les informaticiens (dont je suis) ont bien du mal à comprendre ça.
Le cloud arrive à point nommé. Pour Janet en tant que CEO, si l’IT ne sait pas expliquer, promouvoir, en un mot : vendre, la valeur qu’elle prétend apporter, alors on va poser le problème en terme de coûts. Faute de pouvoir apprécier la valeur d’usage de l’IT, Janet va chercher un critère objectif, et ce sera le budget.
Voici comme elle va raisonner : Si j’ai le même taux de disponibilité avec un fournisseur externe ou sur le cloud, il est clair que mon IT n’a pas de valeur ajoutée. Et c’est bien ce qui se passe - avec raison - si l’on considère l’IT comme un simple fournisseur de services purement informatiques standards. Il est probable qu’un fournisseur sur le cloud fournira les mêmes services à moindre prix, et même un meilleur service à moindre prix.
Autrement dit, l’IT se doit de vendre des services spécifiques à l’entreprise. C’est au niveau du sur mesure qu’elle peut et qu’elle est la seule à pouvoir fournir ce type de services. Les métriques techniques sont comme le premier verre d’eau dans le désert, ils permettent de survivre. Ils ne permettent sûrement pas d’offrir ce plus qui fait que l’on préfère le Saint Emilion ou l’Ipad.
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